Quand le petit train se tortillait dans la rue des Fossés
"Rue des Fossés " : enccore un nom étrange rappelant l'époque d'Orgelet, cité fortifiée. Cette voie, autrefois, conduisait de la place au Vin à l'église. Elle était bordée de remparts au pied desquels couraient des fossés remplis d'eau. Devenus inutiles, pas entretenus ils sont tombés d'eux-mêmes à la fin du XVIIe siècle ; quant aux fossés ils ont été comblés pour former un mauvais chemin, fortement amélioré au cours des siècles, puisque actuellement, il est devenu une portion du CD 470 emprunté par tous les véhicules à moteur qui traversent la ville.

Quelques années plus tard, après la retraite des hôteliers, l'arrivée d'un plus jeune et plus sportif gérand contribua aux retrouvailles tous les samedis soir dans une salle qui leur était réservée des joueurs de l'excellente équipe de football. Ils venaient taper le tarot, souvent d'ailleurs avec l'arbitre de la rencontre du lendemain "le grand Jules" un dolois, qui était bien vite devenu une espèce de mascotte de l'équipe... Les footballeurs discutaient aussi tactique en buvant des "laits grenadine" et en dégustent les "amourettes" — testicules de moutons — apportées par Charlot le boucher-footballeur.
En face de l'hôtel, au carrefour de l'hôtel, s'ouvrait sur les deux rues une mercerie que fréquentaient les dames avides de dentelles et de colifichets... Et puis à peine plus loin les vastes bâtiments d'une exploitation agricole avec les grandes portes en demi-cercle de ses granges, celles plus petites et rectangulaires donnant sur une pièce profonde et sombre, dallée, aux murs blanchis à la chaux et sur lesquels s'ancraient des rateliers hérissés de foin. Là, tiraient sur leurs chaînes de superbes montbéliardes au pis gonflé et aussi des bceufs placides et costauds. L'élevage et la polyculture ne suffisant pas à nourrir la nombreuse famille, on pratiquait le débardage du bois et la livraison des grumes sur de longs « barias » dans les scieries. La ferme, si active, si bruyante, rencontrait tout à coup le silence, le mystère, derrière le long et haut mur qui la continuait et qui cernait le domaine et l'habitation bourgeoise d'une famille orgeletaine. Bien sûr, cette vaste propriété ne s'était pas encore ouverte pour accueillir l'hôtel de la Valouse.

André Jeannin
article paru dans "Le Progrès"
article paru dans "Le Progrès"